Panneau 6 - Un corps de ferme traditionnel du Kochersberg

Rich wir ne Kochersberger Bür !
Riche comme un paysan du Kochersberg

  
Nous nous trouvons devant un des derniers corps de ferme du village ayant conservé son aspect original, typique des fermes du Kochersberg.
La maison est construite en 1806 par Georges Gries et Catherine Köbel. Un poteau cornier, bien visible, nous confirme cela. Son Hofnàme est ‘s Lentzhanse ; composé du prénom Laurent, Lentz en alsacien, et du nom de famille Hans. 

L’agriculture influence la construction

Dans nos villages du Kochersberg, l’agriculture occupe une place majeure et influence le bâti. Que ce soit sur les proportions de la ferme, dictées par le rang social et les ressources ; sur la disposition des dépendances agricoles autour de la cour ou encore sur le choix des matériaux et des décors.
 
Le niveau d’aisance se répercutait sur la taille de la ferme. Il convenait de différencier, à l’époque, les grandes fermes des Rossbüre ou Grossbüre ; les exploitants agricoles possédant des chevaux et de ce fait les plus aisés. Ils jouaient le rôle d’employeurs pour leurs voisins journaliers, louaient aussi les machines les céréales, pouvaient être créancier…
Les exploitants secondaires étaient les Spitàlbüre ; les fermiers exploitants des terres appartenant aux Hospices civils de Strasbourg
Arrivaient ensuite les petits exploitants ou Kleinbüre ou Kühbihrle ; ceux obligés d’atteler leurs vaches aux charrettes.  Leurs fermes étaient plus modestes.
Enfin, les maisonnettes des journaliers, travaillants chez les grands exploitants et payés à la journée, complètent le panorama des villages. 

L’aspect extérieure des fermes

La disposition des bâtiments respect un certain nombre de règles. Les corps de fermes ont une forme de U ou de L. La maison d’habitation principale, pour le propriétaire et sa famille, présente souvent son mur pignon sur la rue (comme ici). L’entrée se trouve dans la cour. Les dépendances agricoles et parfois une habitation secondaire s’articulent toujours en fer à cheval ou en équerre autour de la cour, élément central de la propriété.
 
La cour est fermée par un portail. Dans les fermes les plus aisées, les porches sont imposants. Ils sont encadrés de piliers de grès et coiffés de toits à deux versants. Dans le Kochersberg, où la pierre est relativement rare, les portails ont ainsi un caractère ostentatoire et sont signe de réussite.
Le portail se compose de deux portes ; la porte charretière pour le passage des engins agricoles et la porte pour piétons ou s’Daarel.
Les portails de nos fermes sont souvent entourés par deux petites niches, creusées dans les montants en grès et présentant des petits sièges. Certains diront qu’ils servaient pour bavarder après une longue journée de travail et d’autre, qu’ils permettaient au Rossbür de monter sur son cheval !
Au-dessus de la niche, en guise de décor, on trouve soit un coquille Saint Jacques ou des épis de blé ; éléments typiques Renaissance
Au-dessus du portillon, la clé d’arcade est aussi souvent ornée ; on peut y trouver la date de construction, le nom et les initiales du couple constructeur et parfois les emblèmes professionnels (serpette, soc de charrue, bretzel, pain, ancre, racloir de tanneur…) ou le blason de la ferme ou Hofzeiche. Une mode que les agriculteurs piqueront aux nobles !
Dans les villages catholiques, une petite niche au-dessus du portillon, réservé à une Piéta ou à une statuette de saint complète l’ensemble. Dans les communes luthériennes, ce sont des textes d’inspiration religieux ou sentencieux qui sont gravés. 

Le plan-type de la maison du Kochersberg

 Le plan est le même depuis des siècles, qu’importe la taille de la maison.
On accède à la porte d’entrée par un escalier double, protégée soit par un bacon à balustrade, soit par un auvent qui protège toute la façade. Autrefois la porte était composée de deux battants, comme dans les écuries.
La cave, semi-enterrée, se trouve sous une partie de la maison seulement. Y sont stockés des tonneaux de vin, des pommes de terre, de la choucroute… c’était le garde-manger. La porte est toujours cintrée, pour faciliter le passage des tonneaux.
 
L’entrée de la maison est dallée de grès et donne accès à diverses pièces.
A gauche s’ouvre la petite chambre ou s’klein Stub ; sans grand confort, c’est là que dormait les grands-parents ou l’oncle ou la tante célibataire.
Tout droit en entrant, c’est la cuisine. Petite, peu éclairée et encombrée de fumée, on n’y mange pas. Elle peut être prolongée par un débarras, s’Kammerle, qui permet d’accéder aux dépendances par un couloir d’Federgàng. On y trouvait généralement le four à pain, qui sera à l’origine des tartes flambées. Dans la cuisine on prépare les repas et la nourriture des animaux. Depuis la cuisinière, on alimente aussi le Kachelofe, le célèbre poêle en carreaux vernissés, présent dans la Stub attenante.
A droite en rentrant c’est la Gross Stub. Salle à manger, salle d’apparat et de réception, salle de séjour et chambre à coucher avec un alcôve au fond pour les parents et le nourrisson, c’est la pièce principale. Elle sert aussi aux veillées d’hiver. Des lambris habillent les murs, au sol on pose des lames de sapins qu’on protège avec du sable sec. Pièce cossue, c’est la seule qui est chauffée.
 
Dans l’entrée il y a un escalier assez raide qui permet d’accéder à l’étage où sont répartis les chambres, d’Kàmmere, des grands enfants ou celles des vieilles servantes. Elles profitent de la chaleur de la Stub. Les valets de ferme disposent eux, d’une chambre assez rudimentaire dans les dépendances.
Au-dessus de la hotte de la cuisine se trouve le fumoir (d’Reichkammerle). A l’étage se trouve aussi un petit réduit servant de lieu de stockage.
Du premier étage, un second escalier, plus raide, donne accès au grenier. Jusqu’au 18e s la fumée de la cuisine se rependait librement sous le toit, avant l’apparition des cheminées, qui se termine souvent par une mitre faite de tuile appelée s’Kàminkàpp.
 
Potager et verger se trouvaient derrière la grange, alors qu’à l’avant de la maison, vers la rue, la maîtresse de maison entretenait un petit jardin. Dehors aussi se trouvait le puit, source unique d’approvisionnement d’eau jusqu’au XVIIIe s, avant l’apparition des pompes à eau. L’eau sale était évacuée depuis l’évier par une petite ouverture dans le mur, dans le Schlupf, la petite venelle qui sépare deux maisons.

Les bâtiments secondaires

Les autres bâtiments sont organisés dans la cour. Certaines zones sont destinées au travail des hommes, alors que d’autres au travail de la femme.
On retrouve plutôt les hommes dans l’écurie, le hangar (d’r Schopf), l’atelier (d’Bütik), la cave… et la distillerie. De vastes granges servent à stocker les moissons, à battre le blé au de l’hiver, à stocker le foin pour les chevaux, parfois aussi au séchage du tabac… La femme règne sur la bassecour, la buanderie (où se réchauffent les aliments pour les animaux quand cela ne peut pas être fait sur la cuisinière), le potager…
La zone mixte se situe dans l’étable ; l’homme change la litière des bêtes tandis que la femme s’occupe de la traite.
 
De nombreuses fermes possèdent des galeries et des balcons ; ils servent au séchage du linge, de plantes, des sacs de blé ou de maïs. Les balustrades souvent ornées de balustres tournés.
 
Les grandes cours permettent une bonne rotation des charrettes lors des moissons. Le tas de fumier qui s’y trouve est aussi un signe extérieur d’aisance et de prospérité !
 
Légendes des photos
 
1 – Plan type d’une ferme du Kochersberg d’après Maurice Ruch (La Maison traditionnelle d’Alsace, Editions Jean-Pierre Gyss, 1986)
 
2 – Battage du blé dans la ferme Knab (rue principale – ‘s Knabe) au début du 20e siècle